Je ne bois pas d’alcool pis je suis pas plate !
Je suis vraiment tannée de toute cette pression pour boire. En premier lieu, ma famille, mes oncles, tantes, cousines, à Noël, au Jour de l’An, dans les anniversaires…
Ils m’en offrent plusieurs fois. Même si je redis non, ils insistent. J’aime pas le goût, ça me donne mal à la tête. Ça fait des années que ça dure, depuis que j’ai 14 ans ! Je respecte les gens qui boivent, je n’empêche personne. Je ne fais pas la morale. Je voudrais juste que mon « non merci » soit accepté et compris dès le début.
Une fois, chez des amis de mon chum, j’ai accepté une flûte de cidre parce qu’ils étaient vraiment enthousiastes de me le faire goûter. J’ai senti que ça créerait un froid si je n’en prenais pas.
C’est carrément devenu une règle sociale.
À l’école aussi, c’est tout sauf anodin. Je ressens le jugement. C’est comme si j’étais étiquetée automatiquement comme plate. Le meilleur exemple, c’est que je ne me fais jamais inviter dans les partys ! Pourtant, je suis une fille qui adore faire la fête ! J’aime danser, j’aime rire, j’aime les gens, je suis super sociable. Je peux pas croire que ça existe pas, un party où je pourrais avoir du fun sans nécessairement avoir à boire.
Je ressens beaucoup de jugement aussi parce que je ne prévoyais pas aller à mon après-bal. J’étais vraiment partagée parce qu’en même temps, c’est le premier gros party où j’étais invitée ! Par contre, quand les autres en parlaient, c’était pour se réjouir à l’idée de se défoncer la face. C’est sûr que je sens que je fitte pas.
J’avais pas envie d’être la seule à jeun et de me sentir en décalage. Parce que je n’aime pas non plus la « vibe » d’un party où ça dérape. Je me sens mal à l’aise. Et ça ajoute au malaise de me faire harceler pour que j’essaie. « Tu veux même pas essayer ? T’es pas curieuse ? ». Je ne l’ai pas, cette curiosité. Pourquoi ça agace les gens à ce point-là ? C’est de l’acharnement. Le pire, c’est quand on me dit que ça va me détendre. Je suis automatiquement perçue comme quelqu’un de tendu ou de coincé.
Mais je me bats contre cet immense préjugé. J’adore danser, même sobre ! Le pire dans tout ça, c’est que j’ai même pas encore l’âge légal de boire. C’est fou ! On respecte les gens qui n’ont pas envie d’avoir des relations sexuelles. Pour ma sobriété, c’est pareil. Faudrait commencer à trouver ça normal que des gens n’aient pas le goût de boire… sans que ça fasse toute une histoire. Je vais boire quand j’en aurai envie, si j’en ai envie. Pas quand les autres le voudront pour moi.
*nom fictif par souci de confidentialité
Réflexion de Myriam Laventure, professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke :
À l’adolescence, pour affirmer une différence, il faut avoir une bonne estime personnelle et être prêt à réaffirmer qui l’on est, ce que l’on veut. Bien qu’à 17 ans, les jeunes n’ont pas l’âge légal de boire, les statistiques démontrent que près de 82,8 % ont déjà bu de l’alcool, 50,7 % en boivent de manière occasionnelle et 23,3 % en consomment de manière régulière. Déjà à cet âge, l’alcool est associé au party, à la fête. Ceux et celles qui ne consomment pas sont malheureusement souvent vus comme « plates ». Ce sont de fausses croyances évidemment.
Pourquoi est-ce que les autres sont dérangés par la sobriété d’Andréanne ? Parce qu’elle les oblige à réfléchir à leur propre consommation et ce n’est pas toujours agréable. Est-ce correct de consommer ? Est-ce que je consomme trop ? Est-ce que la consommation me fait faire des choses que je ne voudrais pas ? Est-ce que je me sens obligé.e de consommer ? Moi, qui me dis indépendant.e et non influençable, le suis-je vraiment ?
En fait, la consommation est souvent banalisée. On tient pour acquis que c’est « normal ». Avec de telles croyances, il est entendu que ceux qui ne consomment pas sont stigmatisés, comme si c’était eux qui n’étaient pas « normaux ». Dans ce contexte, Andréanne doit continuer à s’affirmer et à se respecter dans ses choix. Les vrais amis comprendront et accepteront.
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